Pierre Tardivel

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Metz-Tessy, Haute Savoie, France
Rider extrême

jeudi 14 février 2013

La Rampe à Roro, aux Aiguilles du Bouchet



Texte de Rodolphe Popier :

« La Rampe à Roro » – 14 Février 2013 – Avec Rodolphe Popier, Pierre Tardivel, Élodie Mouthon, Éric Varlet et Vincent Cagnar.

Petit clin d'œil à Chaps pour ma première première en ski, car située entre Annecy et Albertville et pas loin de la face sud ouest du Charvin dont il fit la première estivale. Spéciale dédicace surtout à ma chère et tendre en ce jour de la Saint Valentin :)

            Les deux jours d'attente avaient été pénibles comme à l'accoutumé, mais privilège de ma petite expérience de l'année passée, je savais mieux à quoi m'attendre. Excitation de l'aventure, de découvrir un terrain inconnu bien que repéré au mieux (j'avais dans ma tête les deux passages potentiellement difficiles, le reste devrait aller facilement), intimidation des nouvelles têtes (4 d'un coup!) à rencontrer, et peur fondamentale de la confrontation à la pente, au vide et à la possibilité d'une chute au passage clé. La veille je vais dormir chez les parents, ça change de l'année passée ou j'avais du passer deux nuits blanches seul dans mon appartement poisien ! Là je me sens en sécurité et la nuit se passera bien (c'était mon premier souhait : arriver à faire une vraie nuit!), malgré une première partie étouffée par la chaleur de la chambre d'amis. 

            Le lendemain au rendez vous de 6h30, nous ne sommes que 5 : la sœur d'Élodie est partie avec Jano. Élodie m'a l'air gentille. Éric aussi. Bon ça se présente bien ! L'approche jusqu'à la sortie de la nationale ponctuée de réflexions parfois drôles de Pierre, toujours dans son monde de grand enfant exalté. Quel personnage quand même ! Il est vraiment intéressant à connaître. Élodie aussi est humainement intéressante, assez sauvage et réservée dans l'échange mais aussi très avenante. Et quelle fille : thésarde en droit et sportive de choc ! Je suis impressionné.

Après ¾ d'heure de route, on retrouve Vincent, le cinquième larron de l'histoire du jour, coéquipier de Éric dans leur entreprise « HTR project », qui permet de réaliser des images de montagne avec un drone. Ils viennent tester aujourd'hui leur matériel, avant quelque chose de plus sérieux ! Vincent nous apprend alors qu'il a déjà fait le couloir direct en solo. Ben voilà, mon idée n'est pas si originale que ça me dit Pierre, on se consolera donc avec les écharpes !

L'on monte alors en direction du parking, théoriquement aux environs du hameau de la combe. Mais rapidement après le dernier village, au premier lacet un mur de neige stoppe notre course. Le ratrack est passé et arrête là nos rêves d'approche courte ! Nous sommes à 800m, il y en a 1300 à se farcir et ils nous paraissent d'emblée bien loin (ce d'autant plus qu'on se croyait à 600m!). Pire le soleil donne déjà sur la face !! « Nous aurions du partir une heure plus tôt !» se lamente Pierre goguenard... A peine arrivés, deux voitures nous rejoignent : en sort Laurent Leemans et deux autres de ses acolytes venant réaliser la descente du couloir des Sorcières. Ils ont décidé d'une montée en versant ouest tracé, forcément moins pénible (et ce sera effectivement la bonne option, ils auront des conditions parfaites et plieront bagage bien plus vite que nous).

Après ces bonnes retrouvailles matinales, chacun retourne à ses moutons. De notre côté, départ sur les lacets de la route du col de l'Arpette. L'ambiance est belle, fraiche mais sans plus, du coup j'ai très vite chaud ! Je scrute aussi régulièrement notre objectif, vite interrogatif quant à l'approche du pied de la face elle même : j'ai négligé ce détail, qui saura pimenter un peu la journée ! Après une approche trop haute ayant permis une première sortie du drone, nous redescendons à l'épingle à cheveux marquant le départ théorique du sentier d'été (qu'aucun de nous n'a repéré évidemment, sauf Vincent qui ne s'en souvient guère autrement que comme une galère...).

Je commence à tracer au mieux en direction de la barre, pensant à un passage en forêt au dessus d'une barre significative qu'entaille un couloir apparemment très raide à gauche. Pierre reprend à un moment donné la trace dans un champ dégagé, désirant franchir le-dit couloir ! Arrivé au pied, celui ci montre juste 4-5m assez redressés, le reste semble bien passer. J'entame la trace jusqu'aux hanches pour rallier le pied des difficultés, ce qui me demande bien 15min pour si peu de distance!  On décide alors de mettre sagement les crampons et Pierre passe devant, toujours chez lui dans ce type de terrain. Je le suis immédiatement une fois mes crampons parés. Ma gorge se serre un instant mais immédiatement je m'impose intimement de ne pas écouter ma peur : « j'y vais ». Il faut se faire confiance, sinon l'on ne fait rien dans la montagne, c'est la loi! Je sors non sans fierté du « crux » ; j'ai su me maîtriser et bien me placer, je suis content de moi. Ce d'autant que, sans corde, il ne faut pas tomber, surtout avec les autres en dessous ! Après 15 mètres, il faut choisir : suivre Pierre entrain de se battre à droite dans un arbre pour sortir, ou plus dans l'axe du couloir légèrement à droite. L'été ça serait un jeu d'enfant, mais là avec tout ce tintoin sur le dos et la neige, il ne faut pas se rater. Court essai pour tenter de gagner un bon arbre : 2 mètres scabreux m'en séparent encore, des prises de main toutes cassantes, je n'ose pas et Pierre m'appelle juste à ce moment là : « Tu veux passer directement ? Viens donc par là, ça passe mieux ! ». Cela m'arrange, je redescends les quelques mètres facilement gagnés et entame la traversée, rendue délicate avec le vide en dessous, mais qui finalement passe mieux, d'autant plus facilitée avec les bons conseils de Pierre (L'arbre me posera moins de pb que lui, il a du élaguer pour nous entre temps !). Sorti d'affaire, je gagne avec Élodie le bord de la vaste combe du ruisseau de la Cha.

Une fois tous réunis, je reprends la trace, parfois dans de la poudreuse un peu profonde. L'objectif semble encore bien loin après ce passage imprévu qui nous a pris du temps, et nos pronostics de 3 descentes se réduisent définitivement à une !...Ça me va bien, j'ai déjà laissé pas mal d'énergie en dessous et il en reste long au dessus, pas loin de 800m positif quand même ! Après avoir gagné une vaste pente plus dégagée en direction du talweg, Pierre prend le relais et nous devisons paisiblement jusqu'au pied de la face, marquée par ce petit goulet dont nous avions repéré par  téléphone la parfaite praticabilité sur Geoportail ! Loin derrière, Vincent et Éric s'arrêtent à un moment donné pour faire un nouvel essai de leur drone. Au bout de 5min, celui-ci vient bourdonner sous nos yeux, spectacle assez magique dans cette belle pente bien dégagée. Élodie qui traine son surf sur le dos peine stoïquement en raquettes derrière nous, ce qu'elle est  costaud !! Pierre m'annonce en rigolant qu'elle est championne de 1500m. Tout s'explique ! ^^ Pour ma part je suis heureux de manger et boire car curieusement, je ne suis déjà plus très en forme. Au dessus de nous, les chamois qui nous avaient d'abord observé sans bouger remontent à présent les écharpes très raides striant le bas de la grande rampe inférieure. Quelle aisance !...La nature est bien faite.

Après une courte pause, nous entamons, Pierre, Élodie et moi, la remontée du large goulet inférieur de la face dans une belle ambiance. Nous sortirons bientôt de l'axe du couloir direct, surplombé par une grosse corniche qui pourrait potentiellement nous effacer depuis que nous avons pris pied dans l' axe principal du torrent de la Cha... Je reprends brièvement la trace à Pierre dans la profonde et après 10min, exténué mais enfin sortis de l'axe du couloir, nous pouvons remettre les peaux. Pierre tracera alors en tête jusqu'au sommet! De mon côté, je dois manger régulièrement pour me donner du courage car je suis vidé. Élodie continue à son train de sénateur, imperturbable. Arrivés en vue du col de la Combe à l'avion, quelle joie ! C'est tellement génial d'arriver de ce versant avec les peaux ! Mais déconvenue (prévisible^^) pour moi, Pierre se pose sous un rocher, naturellement décidé à sortir au sommet. Je suis cuit mais l'égo est le plus fort : je ne veux pas d'un échec aujourd'hui, il me faut sortir au sommet pour réaliser enfin ma première première avec mes compagnons ! 60M de pente raide à 45° et pas loin de 50° en sortie m'amènent fourbu à la corniche sommitale. Élodie m'a bien aidé sur la fin à faire confiance à cette neige qui m'inquiétait tant : « Fais confiance à tes pieds » me dit-elle. (J'ai toujours l'impression que, trop lourd, mes pieds ne tiendront pas et qu'il me faut compenser en ancrant absolument mes piolets dans qq chose  de bon...) Enfin nous nous retrouvons avec Pierre au sommet sans vent ; l'instant est beau, aérien, tout simplement merveilleux ! Côté Bouchet, une belle pente raide gavée de poudreuse très tentante. De l'autre la pente très raide qui semble plonger directement sur Ugine ! Entre les deux, la jolie crête aérienne des aiguilles du Bouchet (Tiens en fait c'est bien la cime ouest qui est la plus haute! On reviendra les traverser l'été:)).

Je me prépare mécaniquement, réglé comme un automate bien que très fatigué. Un rapide coup d'oeil en dessous : ça va, heureusement ça n'est pas très raide, mais par contre, qu'est ce que c'est aérien au départ : une arête avec à gauche le vide, à droite une pente trop raide et tout droit Ugine !! Pierre débute sa descente et avale en douceur les premiers mètres, que ça lui est facile ! Arrêté 10m en contrebas il nous attend. L'ayant rejoint, Élodie s'élance alors d'une seule traite jusqu'en bas de la partie finale, c'est magnifique d'aisance ! Pierre fait de même juste après elle. Pour ma part je n'oserai pas tirer un virage avant d'avoir passé la moitié de la section...Dommage, mais c'était quand même un peu crouté et j'avais trop peur de faire une bêtise. Je rejoins piteusement mes camarades, bien plus habiles et audacieux que moi !

Ayant récupéré notre matériel, je les devance alors pour aller filmer une jolie portion de poudreuse qu'Élodie voudrait ponctuer par un joli saut. Je filme leur deux passages, mais finalement Élodie ne saute pas, terminant sa course au bord de deux murs raides que mes deux compagnons veulent traverser ensuite, sans doute après que Pierre ait vu les chamois remonter ces pentes à toute vitesse le matin ! Je me poste dans le goulet inférieur de la face, filmant leur passage. C'est assez impressionnant. Pierre passe la première barre, il manque sa réception, cul-belle et se rattrape : ouf ! Selon lui on se rattrape bien dans du 35° ^^ Élodie passe à son tour, « en backside c'est pas simple » explique t-elle, ce à quoi Pierre lui répond,  pédagogue, que ça lui fera un excellent exercice ! Elle passe sans encombre, super ! La seconde barre, moins exposée, se passera de la même façon pour tous deux.

Nous nous rejoignons tous au pied de notre face, retrouvant Éric et Vincent, drôles de martiens plongés dans leur technologie futuriste. Ils viennent de filmer avec leur étrange insecte volant le passage de Pierre et Élodie dans les barres inférieures. Dans ma tête, cependant, je ne pense maintenant qu'à la sortie de notre combe perchée : comment va t-on se tirer de là ? En premier lieu, je pense d'abord à ce que j'ai repéré à la montée, au dessus de la barre surplombant notre couloir du matin...Mais l'ambiance générale étant au « on verra bien », je pars tâter un peu de cette excellente poudre en rive gauche de notre combe et c'est la fête !! Pierre et Élodie entament leur ballet mais crotte, ma batterie est à plat :( Derrière, Vincent et Éric, après avoir plié leur matériel nous suivent. Nous nous laissons alors tous glisser dans le talweg du couloir. Élodie y croit et nous partons devant en éclaireurs. A un étranglement, stupéfaction : je me retrouve nez à nez avec un chamois immobile, campé sous un auvent que forme la rive droite très redressée du couloir. Élodie ne l'avait pas remarqué en passant. Je descends très précautionneusement pour ne pas effrayer l'animal dérangé (inutilement d'ailleurs puisqu'il ne bougera pas d'un iota!), un comportement qu'aucun de nous n'avait encore jamais observé.

Après quelques minutes d'attente, nous gagnons avec Élodie le bas du couloir sur un fond dur et glacé par endroit : ça sent le grand saut, il faut remonter ! Je suis vidé mais commence à retrouver le charme de ces fins de journées improbables où vidé, il faut encore s'arracher un peu...Heureusement on ne remonte que de 50m pour entamer une traversée vers l'Est, là ou peut-être nous débusquerons le passage du vrai sentier ?! Ayant rejoint les traces de Pierre et d'Élodie puis après avoir vainement cherché un passage dans la forêt trop raide à gauche, j'entends Pierre lui suggérer un passage à droite. Je suis alors son idée sans trop y croire bien que sur le fond cela m'arrangerait bien ! Dans le premier goulet, non : juste 15m trop raides, mais de trop quand même. Plus à droite, ça ne va pas non plus, et encore plus à droite ?! J'avance à tâtons et, après quelques mètres, je tombe nez à nez avec une belle rampe bien fournie qui revient littéralement sur la grande barre rocheuse qui nous avait stoppé 15min auparavant :) En dessous, les difficultés semblent bien finies. Pierre veut faire un petit saut pour prendre pied (enfin skis^^) dessus ! Après avoir méthodiquement élagué les branches superflues, d'un envol gracieux il s'élance pour se réceptionner immédiatement après en un copieux raclement de carres sur une belle dalle !! Pour ma part, je décide alors sagement de poursuivre au fin bout de l'arête afin d'emprunter le passage le plus en douceur. A cet endroit cependant il ne faut pas faire de bêtises car on surplombe directement 50m de vide à gauche ! Mais ça passe très bien et après quelques minutes, je rejoins pierre au pied de ce grand amphithéâtre rappelant les romantiques paysages érodés et très stratifiés des Varos ou de Sixt. Quelle ambiance pour notre fin de journée dans cette forêt, et au dessus de nous notre chamois qui attend sa mort prochaine : il a su choisir son endroit au mieux pour finir ses jours tranquille...

Élodie nous rejoint ainsi que Vincent puis Éric et tous les cinq, Élodie loin en tête nous terminons notre descente du torrent de la Cha dans une neige assez exécrable (au menu, miam, boulettes pas trop dures ou croûte infâme!), ce jusqu'à croiser une route partant en ascendance légère sur la gauche. Nous l'empruntons et après un court passage sur une large route forestière nous croisons un nouveau talweg. Une photo sympathique plus tard, nous repartons pour tomber immédiatement ou presque sur les voitures ! Un bon cadeau que cette arrivée facile après 9 h d'efforts :)

            Nous sommes bien heureux de cette belle sortie aventureuse et sauvage, bien que pas assez technique au goût de Pierre et Élodie. Mais qu'à cela ne tienne, tout le monde est content quand même et Pierre propose de nous offrir sa tournée de chocolat chaud après avoir pris quelques photos de la face depuis les hauts de Marthod. Élodie quant à elle a préparé un gâteau chocolat orange, miam miam. Les photos terminées, nous devisons de bon cœur au café de la gare entre Ugine et Albertville. Puis Vincent repart dans sa  Maurienne et nous regagnons nos voitures au petit port. Au retour ça parle surf et autres sports à sensations fortes (chute libre, wake surf, etc) : c'est intéressant et amusant car je me dis que je suis un peu en dilettante dans tout ça, montagnard classique ne sortant jamais de ses sentiers battus ! 

Comblé de bonheur après cette journée où j'ai pu me dépasser et réaliser un de mes rêves grâce à un tandem de choc, je peux dignement fêter la Saint Valentin avec ma belle et lui offrir son cadeau : « la rampe à Fifine » sera pour plus tard !

 * Pour info : un ami chasseur connaissant bien le secteur du Bouchet et à qui j'ai envoyé la photo de notre chamois m'a affirmé qu'il ne s'agissait pas du tout d'un vieil individu entrain de mourir ou d'un individu malade mais juste d'un jeune mâle entrain de se reposer du rut (voir son commentaire ci dessous) !! On peut donc débaptiser le "saut du chamois mort" en "saut du chamois vidé après le rut" !

"Quant à ce chamois, la photo ne le fait pas apparaître âgé (bandes jugales bien marquées).
visiblement il s'agit d'un bouc qui se remet gentiment des épreuves du rut, au soleil et loin de tout dérangement (espéré).
Cet adret des Aravis que je connais très bien est une zone d'hivernage idéale et propice à la faune de montagne qui y trouve la quiétude, la douceur et une élémentaire alimentation car moins enneigé que l'autre versant.
Rien d'étonnant que ce chamois ne se soit pas enfui à votre approche, il connait le prix fort à payer en cas d'efforts inutiles.
Ainsi n'est-il pas rare à cette époque de pouvoir approcher d'assez près d'autant que les chamois connaissent la date de la fermeture de la chasse.
C'est pourquoi il faut absolument s'abstenir de les déranger pendant cette période critique de leur existence.
Cette remarque est encore plus vraie pour le chevreuil et le tétras."

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